J.O. 295 du 20 décembre 2005
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Saisine du Conseil constitutionnel en date du 30 novembre 2005 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2005-528 DC
NOR : CSCL0508879X
LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006
Monsieur le président du Conseil constitutionnel, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Nous développons à l'appui de cette saisine les observations suivantes.
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A titre liminaire, il est nécessaire de développer les risques que les dispositions de la nouvelle loi organique relative aux lois de financement font peser sur le principe constitutionnel de sincérité.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 est la première présentée et examinée par le Parlement selon les modalités définies par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale no 2005-881 du 2 août 2005.
Elle comprend donc quatre parties, constituées des dispositions relatives, respectivement, au dernier exercice clos, à l'année en cours et, en ce qui concerne l'année à venir, aux recettes et à l'équilibre général, d'une part, et aux dépenses, d'autre part.
Dans la partie relative à l'exercice en cours, la loi de financement rectifie les prévisions de recettes et les tableaux d'équilibre des régimes obligatoires de base et du régime général par branche, ainsi que des organismes concourant à leur financement. Elle rectifie également les objectifs de dépenses par branche de ces régimes et l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base.
Ces rectifications permettent de déterminer les conditions générales de l'équilibre financier relatif à l'année en cours.
1. Vous avez précisé dans votre décision no 2005-519 DC du 29 juillet 2005 relative à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale que le principe de sincérité se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de cet équilibre, qu'il s'agisse de l'année en cours ou de l'année à venir.
Cette décision reprend les termes de votre jurisprudence en la matière, précisée dans votre décision no 2002-463 DC du 12 décembre 2002 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (considérant 5), selon laquelle l'engagement pris lors des débats parlementaires par le Gouvernement de déposer en cours d'année, si nécessaire, un projet de loi de financement rectificative était conforme à l'exigence constitutionnelle de sincérité. Un tel engagement revenait donc à rendre sincère la loi de financement et à affirmer qu'ainsi le vote du Parlement s'effectuait en toute connaissance de cause.
Le vote par le Parlement de la partie relative à l'année en cours dans toute loi de financement de la sécurité sociale, permettant de rectifier l'évolution des recettes et des dépenses, ne saurait, à lui seul, permettre de rendre sincère l'ensemble de la loi en question. Autrement dit, ce n'est pas parce que la loi de financement permet, selon les dispositions de la nouvelle loi organique, le vote par le Parlement d'une partie rectifiant l'année en cours que toute la loi, et notamment ses parties relatives à l'année à venir, est automatiquement sincère.
2. Il est vrai que l'information et le pouvoir du Parlement se trouvent a priori renforcés par le vote de la partie relative à l'année en cours dans chaque loi de financement. Toutefois, ce renforcement doit être analysé au regard notamment des dispositions relatives à l'assurance maladie par exemple, qui ont pour effet d'écarter le Parlement de toute décision relative à l'évolution des dépenses de santé une fois voté l'objectif national des dépenses d'assurance maladie.
En cas de dépassement de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie supérieur à 0,75 %, le comité d'alerte, fixé par l'article 40 de la loi relative à l'assurance maladie, informe le Gouvernement et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie de la situation. Le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie est alors dans l'obligation de présenter les mesures de redressement d'effet immédiat. Le processus de décision permet notamment une modification du niveau de prise en charge des soins par la collectivité nationale sans intervention du ministre en charge de la sécurité sociale, ni vote du Parlement.
Ces conditions conduisent le Parlement à ne se prononcer qu'a posteriori. La loi organique relative aux lois de financement ne fait finalement que concrétiser cette situation en assurant le vote du Parlement sur l'équilibre de l'année en cours.
Pour autant, il ne serait pas conforme au principe constitutionnel de sincérité de considérer qu'ainsi toute loi de financement serait de façon automatique considérée comme sincère.
3. Pour l'année en cours, le Parlement ne viendrait en la matière qu'entériner les modifications intervenues, en cours d'année, sur l'année en cours en raison des décisions prises par le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.
Pour l'année à venir, le fait que le Parlement soit amené à se prononcer un an plus tard sur l'année en cours ne saurait être considéré comme un gage de sincérité, sauf à considérer comme impossible, voire inutile, la présentation en cours d'année d'un projet de loi de financement rectificative.
La sincérité n'est pas seulement la possibilité offerte au Parlement de voter sur l'année en cours pour se prononcer sur les rectifications intervenues en raison des décisions du directeur de l'Union nationale des caisses de sécurité sociale, c'est avant toute chose que les grandes lignes de l'équilibre financier de la sécurité sociale ne soient pas faussées de façon intentionnelle de façon telle que le Parlement ne puisse se prononcer en toute connaissance de cause sur l'année en cours ou sur l'année à venir.
La logique de la nouvelle loi organique, mettant en oeuvre celle notamment de la loi sur l'assurance maladie, ne peut conduire à considérer que toute loi de financement devient ainsi automatiquement sincère, et donc à exonérer le Gouvernement de présenter au Parlement les informations utiles et indispensables à des débats et des votes sur des données réelles et objectives, et ce d'autant plus que le Parlement est pour le moins à l'écart des décisions que peut prendre en cours d'année le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.
Ces remarques sont d'autant plus importantes que manifestement les évolutions retenues pour l'objectif national des dépenses d'assurance maladie de 2005 ne sont pas conformes à la réalité connue au moment du débat parlementaire sur le projet 2006, si l'on se réfère aux informations communiquées par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés.
Ainsi le dépassement de l'ONDAM relatif aux soins de ville de 0,4 % sur 2005 n'a pas été intégré dans la partie relative à 2005 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. De même, les dépassements de l'ONDAM relatif aux établissements de santé du secteur public comme du secteur privé, respectivement de 2,3 % et 1,2 %, ne sont pas pris en compte dans cette même partie.
Ces écarts n'ont pas été intégrés dans le projet de loi, amenant le Parlement à ne pas se prononcer sur la base des dernières informations connues. Cette absence de sincérité manifeste sur l'année en cours renforce l'idée selon laquelle la simple présence dans la loi de financement d'une partie sur l'année en cours ne rend pas sincère l'ensemble de la loi de financement, et notamment les parties sur l'année à venir.
Sur l'article 56
Cet article complète le troisième alinéa de l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale qui traite de l'imputation du forfait journalier sur la participation laissée à la charge des assurés sociaux, autrement dit sur le ticket modérateur.
Il répond à la volonté du Gouvernement de fixer un ticket modérateur sur les actes d'un montant supérieur à 90 euros. L'exposé des motifs du projet de loi indique en effet que le Gouvernement envisage d'instituer un ticket modérateur forfaitaire pour les actes jusqu'ici exonérés de ticket modérateur en raison de leur valeur. Actuellement, les actes dont le tarif dépasse 91 euros sont exonérés de ticket modérateur.
L'institution par voie réglementaire d'une participation pour ces actes nécessite de modifier par voie législative la règle de l'imputation du ticket modérateur sur le forfait journalier.
En préalable, il convient d'indiquer que cette participation ne constitue en rien un ticket modérateur forfaitaire. Cette disposition ne peut en aucun cas être considérée comme un élément de modération de la consommation de soins dans la mesure où elle s'applique à des actes lourds, qui ne sont pas des actes de première intention. Il s'agit de soins de suite indispensables au diagnostic et aux thérapies pour lesquels la liberté de comportement et l'appréciation du patient ne peuvent être invoquées.
L'article 56 a donc pour objet de limiter le champ de la règle de l'imputation du ticket modérateur sur le forfait afin d'instituer par voie réglementaire une participation forfaitaire sur les actes actuellement exonérés du ticket modérateur au motif que le coefficient de ces actes est supérieur à 50 ou que la valeur de ces actes dépasse 91 euros.
Si l'article ne fixe pas à proprement parler le principe de cette participation forfaitaire, cette modification législative est indispensable pour en permettre l'institution. Elle doit donc respecter les principes constitutionnels fixés par le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, au titre duquel la protection de la santé est garantie pour tous, ainsi que le principe d'égalité.
Tel n'est pas le cas, loin s'en faut.
1. Le I de l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale fixe le principe d'une participation des assurés au financement des dépenses de santé. Cette participation est soit proportionnelle, soit forfaitaire. Elle peut varier selon les prestations, les conditions de dispense des soins, les conditions d'hébergement, la nature de l'établissement où les soins sont dispensés. Elle peut être réduite en fonction de l'âge de l'assuré ou pour des raisons de caractère social.
Elle peut être limitée ou supprimée, par exemple, si, à l'occasion d'une hospitalisation ou au cours d'une période de temps déterminée, la dépense demeurant à la charge de l'assuré dépasse un certain montant.
En application de l'article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, l'imputation du forfait hospitalier ne serait plus possible, si la participation de l'assuré lors d'une hospitalisation est limitée, car la dépense restant à sa charge dépasse un certain montant.
Vous avez, à plusieurs reprises, indiqué que le niveau de la participation de chaque assuré social ne devait pas être fixé à un niveau qui revient à méconnaître les exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Dans votre décision no 2004-504 DC du 12 août 2004 sur la loi relative à l'assurance maladie, vous avez ainsi estimé que le montant de la participation définie au II de l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale devait être fixé à un niveau qui ne porte pas atteinte au principe constitutionnel de protection de la santé. Cette décision concernait la participation forfaitaire sur chaque acte ou consultation, instituée lors de la loi relative à l'assurance maladie, connue sous l'appellation de « participation forfaitaire de 1 euro ».
La réserve émise à cette occasion est suffisamment forte pour considérer qu'une participation limitée à 1 euro ne puisse être considérée comme portant atteinte au droit à la santé. Le Gouvernement avait, à l'époque, présenté cette participation comme symbolique de la nécessaire prise de conscience de chaque assuré social du coût des dépenses de santé. Un équilibre était ainsi mis en évidence entre l'accès aux soins, la responsabilisation des assurés et l'équilibre financier de la sécurité sociale, objectif de valeur constitutionnelle. Votre décision permettait d'apporter ainsi une garantie constitutionnelle afin que le montant de cette participation reste symbolique. Pour une consultation auprès d'un médecin généraliste conventionné, cette participation de 1 euro représente déjà 5 % du montant de la consultation.
Dans votre décision no 2002-463 DC du 12 décembre 2002 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, vous avez également estimé que l'instauration du tarif forfaitaire de responsabilité ne devait pas conduire à remettre en cause le principe constitutionnel de protection de la santé et que, par conséquent, il appartenait au pouvoir réglementaire de veiller au respect de ce principe dans la détermination du tarif forfaitaire en question. Il s'agissait de faire en sorte que le remboursement des médicaments calculé sur la base du tarif des médicaments d'un groupe générique déterminé ne pénalise pas des assurés qui n'auraient pas été en mesure de se faire prescrire ou délivrer un médicament générique.
La réserve formulée à cette occasion est fondée sur la situation singulière de subordination dans laquelle se trouve inévitablement chaque assuré social face à son médecin ou son pharmacien. Il est en effet illusoire de considérer que chaque patient est suffisamment informé des techniques médicales pour exiger telle prescription plutôt que telle autre. Là aussi, vous avez mis en évidence un équilibre entre l'accès aux soins, la responsabilisation des assurés sociaux et l'équilibre financier de la sécurité sociale.
2. La participation forfaitaire, que souhaite mettre en oeuvre le Gouvernement par le biais de l'article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale, présente toutes les caractéristiques qui conduisent à rompre l'équilibre que vous avez établi par votre jurisprudence entre la garantie de l'accès aux soins, la responsabilisation des assurés sociaux et l'équilibre financier de la sécurité sociale.
Par voie de conséquence, elle porte atteinte au droit à la protection de la santé et au principe d'égalité.
Les gains attendus de cette participation sont estimés par le Gouvernement à 100 millions d'euros. La recherche de l'équilibre financier de la sécurité sociale, dont le déficit pour 2006 dépassera 10 milliards d'euros, ne peut se faire à ce point au détriment de la protection de la santé pour tous.
En effet, cette participation sera fixée à 18 euros. Elle s'applique à des actes qui ne relèvent ni du choix du patient ni de la médecine de confort. Une personne hospitalisée ne choisit pas de l'être. Elle ne choisit pas non plus son traitement, les examens et les soins qui lui sont prescrits. Il est donc difficile d'en appeler dans de telles conditions à la responsabilisation des patients. Pourtant, pour un acte de 91 euros, la prise en charge directe de chaque assuré social sera de 19,7 %.
Cette disposition met en oeuvre une contribution forfaitaire obligatoire pesant potentiellement sur tous les assurés sociaux sans aucune considération de leur situation objective et rationnelle, en relation avec l'objet de la loi. Ce sont les plus démunis, et les plus malades, qui auront à supporter cette participation obligatoire. Elle porte en elle des effets d'exclusion contraires à l'accès aux soins et au principe d'égalité.
La participation revient à valider des modalités de prise en charge différentes selon une classification entre petits risques et risques dits lourds et à instituer une solidarité nationale à deux vitesses incompatibles avec la protection de la santé. En application de l'article 56, il y aurait donc des actes médicaux et chirurgicaux utiles pour les patients mais pas au point que la solidarité nationale ne joue dans des conditions suffisantes.
3. En outre, cette disposition implique une intervention de plus en plus grande des organismes complémentaires dans le domaine des soins et actes lourds et de l'hospitalisation publique. Cette logique bouleverse les principes de la sécurité sociale, fondée sur la solidarité nationale, ainsi que le droit de chacun à des soins indispensables indépendamment de ses ressources. La disposition critiquée organise pour la première fois un système de copaiement pour les soins et les actes médicaux lourds.
Le maintien des règles actuelles d'exonération du ticket modérateur, impliquant que certaines catégories d'assurés sociaux, comme les personnes atteintes d'une affection de longue durée, les femmes enceintes à partir du sixième mois de grossesse, les nouveau-nés ou les titulaires d'une rente pour accident du travail ou maladie professionnelle, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle, soient exonérées de la participation forfaitaire, ne peut être considéré comme suffisant au regard du respect de la protection de la santé pour tous.
Telle n'est pas la raison qui conduit le Gouvernement à proposer cette participation forfaitaire. Il s'agit simplement de mettre fin à la règle d'exonération du ticket modérateur pour les actes dont le coefficient est supérieur à 50 ou dont le tarif dépasse 90 euros, car elle présenterait plusieurs inconvénients, et notamment celui lié à l'évolution des techniques médicales et à la complexité croissante des actes médicaux qui ont ainsi progressivement conduit à étendre le champ d'application de la règle en question.
Il ne s'agit pas de mettre simplement fin à un prétendu effet de seuil, pour des actes d'un tarif supérieur à 90 euros, mais bel et bien de considérer que la participation directe du malade est fondée sur une classification entre petits risques et risques lourds, en contradiction avec la protection de la santé constitutionnellement garantie, et d'en accroître tant le champ d'application que le quantum imposé au malade.
C'est certainement la raison qui a poussé le Gouvernement à ne pas annoncer cette mesure aux membres de la Commission des comptes de la sécurité sociale en septembre dernier alors qu'il présentait le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. C'est la même raison qui a conduit le Gouvernement à ne solliciter l'avis du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie qu'après l'annonce publique de la mesure. Cette instance consultative n'a par ailleurs pas approuvé cette mesure contrairement à ce qu'indique le Gouvernement. Par ailleurs, il convient de signaler que le Gouvernement n'a pas consulté les différentes instances de gouvernance issues de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie qui pourtant doivent, en application de cette loi, délibérer sur les projets de loi et de décret transmis par le ministre chargé de la sécurité sociale.
Pour toutes ces raisons, cet article 56, car il permet l'institution de cette participation forfaitaire, doit être censuré.
Sur l'article 89
Cet article a pour but principal de priver les parents d'enfants étrangers du bénéfice des allocations familiales lorsque ces derniers ne sont pas entrés sur le territoire français au titre du regroupement familial.
Une telle disposition a été introduite par voie d'amendement gouvernemental au Sénat dans des conditions qui n'ont pas permis à la commission des affaires sociales d'en être saisie et de se prononcer à cet égard.
Il méconnaît le principe d'égalité, le droit à une vie privée et familiale, et le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 aux termes duquel la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».
Vous veillez à l'application de ces principes en matière d'accès aux droits sociaux au bénéfice des personnes étrangères résidant sur le territoire français (décisions no 89-269 DC du 22 janvier 1990 et no 93-325 DC du 13 août 1993).
Saisie d'un pourvoi relatif aux conditions d'application des articles D. 511-1 et D. 511-2 du code de la sécurité sociale à laquelle le législateur entend donner valeur législative, la Cour de cassation, statuant en assemblée plénière, a jugé « que selon les articles L. 512-1 et L. 512-2 du code de la sécurité sociale, les étrangers résidant régulièrement en France avec leurs enfants mineurs bénéficient de plein droit des prestations familiales ; que la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'était pas contesté que Mme X résidait régulièrement en France depuis le 27 septembre 1991 avec ses deux enfants, en a exactement déduit, par une interprétation des textes précités, conforme aux exigences des articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que les prestations familiales étaient dues à compter du 1er mars 1993 » (Cass., ass. plénière, 16 avril 2004, no 0230157).
Il importe de relever à cet égard que Mme Claire Brisset, Défenseure des enfants, a critiqué dans son rapport pour 2004 une « discrimination qui n'est ni fondée en droit ni en équité », comme en écho au Rapport du comité des droits de l'enfant des Nations unies datant du mois de juin 2004.
Cette disposition fait donc peser sur les enfants d'une même famille une discrimination clairement injustifiée. Cette mesure disproportionnée au regard du but recherché ne peut, de surcroît, que conduire à des situations préjudiciables aux intérêts de l'enfant et, in fine, à leur éducation. Il peut s'ensuivre des conséquences dommageables pour l'intégration de ces jeunes comme de leurs frères et soeurs qui bénéficieraient pour leur part des prestations familiales. En instillant le venin de l'inégalité au sein d'une même fratrie en frappant les droits des enfants à mener une vie familiale normale, le législateur ne peut qu'engendrer des frustrations et nourrir des sentiments de rejet.
Ni les principes constitutionnels précités, ni l'intérêt général lié au financement de la sécurité sociale ne peuvent être satisfaits par une telle mesure manifestement disproportionnée.
Pour ces raisons, cet article doit être censuré.
(Liste des signataires : voir la décision no 2005-528 DC.)